lundi 6 mai 2024

Roma

La dernière image ? J'ai adoré toute la parenthèse enchantée sur un bord de mer (le temps que "Papa" récupère ses affaires) parce que ça m'a sacrément parlé. Le parfum iodé de Grand Bassam est venu jusqu'à mes narines, a rayé ma mémoire, toute ma jeunesse s'est convoquée d'elle-même. Une histoire de famille aisée un peu comparable : Mexique ici, Côte d'Ivoire là, début des années 70 d'un côté, les années 80 de l'autre. En lieu et place de Cleo, il y avait François ou Ali. Mais c'est une autre histoire.

Ce qui me vient tout de suite pour dire ce que j'ai ressenti, c'est le mot "touchant". On sent une entreprise sincère, pleine d'une jeunesse et d'une époque révolues qui remontent par petites touches gracieuses et mélancoliques. On sent d 'ailleurs précisément cette envie de faire revivre des moments vécus, des odeurs, des lumières, des sons, des lieux, des matières, des fous rires... Entreprise Ô combien louable.     

C'est touchant, c'est souvent juste mais comme je viens de le dire (et c'set aussi une limite) cela reste une composition visuelle et sonore millimétrée de souvenirs qu'on veut ramener au premier plan sans en perdre la moindre miette. Et qui prend donc le risque de corseter l'émotion, de la contraindre, de l'empêcher d'émerger par une mise en scène obsessionnelle du moindre petit détail Le résultat, c'est en somme le premier film ASMR de l'histoire. Chaque goutte s'échappant d'un robinet, chaque coup de balai dans la courette, a son importance, n'est pas oubliée. C'est souvent sublime (on pense au style de Jerry Skolimowski pour sa maîtrise insolente des mouvements de caméras et du noir et blanc) mais on peut trouver cela froid, trop papier glacé voire distancié... 

Et ce sentiment est probablement renforcé par la faiblesse des enjeux,  de l'intrigue  : il manque quelque chose de fort notamment pour les personnages.... Les enfants restent cantonnés à un groupe indistinct, une fratrie informe. La mère est décrite à gros traits, sans grande aspérité (à part lorsqu'on la voit rentrer ivre une seule fois). Le père n'a jamais le droit à défendre son cas, à une deuxième chance d'apparaître à l'écran pour exister différemment. Et Cleo quant à elle reste également un mystère. Attachante, réservée, femme de devoir, son histoire, leur histoire reste après tout assez simplette.

Demeurent quelques moments forts comme cet accouchement, point d'orgue du film qui terrasse véritablement l'imagination tant on perçoit la douleur de Cleo. La plus belle séquence d'un film très attachant.

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