dimanche 5 mai 2024

Le diable tout le temps

 

La dernière image ? Finalement positive, levant enfin un certain espoir, où le personnage d'Arvin enfin bercé par le soubressauts de la voiture, se laisse aller à une douce rêverie imaginant comment tout se sera arrangé, comment chacun aura compris les raisons de ses crimes... On l'imagine en rémission avec un chien, une femme, un enfant et l'espace d'un instant, on devine que le Diable a enfin mis les voiles...

Sur les regrets, je n'ai guère goûté la construction du film qui pendant une heure et demi nous perd dans des tranches de vie successives (sur un plan géographique et temporel) en nous plongeant dans une certaine perplexité pour saisir les fins dernières d'un film bien sombre où ne nous est épargnée aucune ironie du sort, aucune bassesse humaine ordinaire... Je trouve d'ailleurs qu'il y aurait à redire sur cette répétition des assassinats de femmes innocentes (la mère de Lenora par exemple et même Lenora par la suite même s'il s'agit d'un suicide) par des hommes (parfois démoniaques, parfois dérangés, parfois simplement victimes de leurs coupables tourments, de leurs destins, d'une forme d'atavisme) qui se font punir ensuite à leur tour... Avec la récurrence appuyée de symboles religieux et d'une représentation omniprésente du  mal sous la forme du jugement dernier ou du destin qu'incarne par exemple ce couple de serial killers exécutant leur basse besogne dans la région et fauchant les vies comme on respire. Cette volonté de "hasards et coïncidences" (même si la voix off du narrateur contribue à la rendre crédible puisque quelqu'un quelque part est là pour en rendre compte) qui ne seraient que la traduction d'une volonté supérieure est pour le moins tirée par les cheveux... Que Roy puis Arvin se retrouvent tous deux pris en stop par les mêmes cinglés interroge, peut légitimement agacer.

Maintenant, je trouve que la deuxième partie (en gros à partir de l'arrivée du nouveau pasteur) est brillante et rachète les ratés de la longue entrée en matière. La reconstitution de cette époque (qui s'achève avec la maturation de la Beat Generation), d'un mode de vie dans cette petite région, le jeu des acteurs (tous assez extraordinaires), l'atmosphère et le souffle presque littéraire qui traverse le film grâce à la voix off sont véritablement à saluer.

Quand Arvin se fait "bras vengeur" et que l'épilogue apporte enfin un éclairage sur les différents blocs narratifs de l'histoire, qu'un lien naturel vient relier les uns aux autres jusqu'au point final (qui est aussi le point de départ) au pied de cette croix érigée par le père d'Arvin, alors je confesse m'être laissé finalement emporter par cette histoire sombre, terrible, mais qui je le disais en introduction, par cette fin allège les coeurs et laisse enfin entrer le filet de lumière propre à se remettre à rêver pour Arvin d'une vie heureuse. On se dit pour finir qu'il le mèrite.

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